
31 août 2025
Résine de pins d’Alep, confitures et liqueur d’arbouses, écorce du chêne-liège, bois de chauffage… nos forêts regorgent de ressources inexploitées au fil des années. À la tête de l’association Forêt Modèle de Provence, Nicolas Plazanet œuvre à fédérer les acteurs du territoire autour d’une gestion durable et innovante de la forêt. Entre valorisation des ressources locales, diversification des filières et adaptation au changement climatique, il partage sa vision et ses actions pour faire de la forêt provençale un levier d’avenir.
Sur la photo :Nicolas Plazanet - directeur de l’association Forêt Modèle de Provence
Nicolas Plazanet, pourquoi vouloir relancer la filière forestière varoise ?
Il y a eu un effondrement de la valorisation forestière. Dans le Var, en 1830, la forêt couvrait 30 à 35% du territoire, désormais la forêt représente 68%. Mais aujourd’hui moins de personnes y travaillent et le volet économique est bien moindre. Au début du 20ème siècle, nous avons connu une bascule en passant d'un lieu de ressource à un paysage, et on ne gère pas un paysage comme on gère une ressource. L'agriculture a également connu une forte déprise mais pas avec la même bascule idéologique.
Qu’est-ce qui a motivé cette dynamique ?
Certains facteurs sont à prendre en compte : la récurrence du feu, le changement climatique, l'interface forêt/urbanisme, ce sont des motivations qui ont fait que l'on doit repenser la forêt de demain, et en relancer son entretien au bénéfice de tous. Ça ne peut plus être seulement un paysage que l'on regrette de voir brûler. Il ne s’agit pas de créer une filière ex nihilo, mais de réactiver et moderniser un savoir-faire ancien, en le connectant aux besoins actuels : adaptation climatique, économie circulaire et valorisation locale.
Lors de l'assemblée générale 2025, de gauche à droite : Nicolas Plazanet, directeur, et Jean-Laurent Félizia, Président de Forêt Modèle de Provence, François de Canson, Vice-président de la Région Sud, Nathalie Janet, Conseillère départementale, Jean-Paul David, Région Sud, Président Commission Agriculture, Ruralité, Élevage et Forêt, Président du Conseil de Surveillance de Forêt Modèle de Provence, Philippe Duparchy, ancien secrétaire général de l'association.
Quels sont vos objectifs à court et long terme ?
Pour l’heure, le mouvement reste modeste, mais on sent que des choses commencent à bouger car la volonté est là. Il s’agit de relancer l'entretien de nos espaces forestiers, renforcer nos filières, donner naissance à de nouvelles formes de valorisation comme la filière sur l'arbousier avec le Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume et les membres du consortium, créer de l'emploi et mieux faire connaître les enjeux forestiers aux acteurs du territoire. D'ailleurs, beaucoup de gens sont intéressés par nos travaux, preuve que c'est un regret collectif d'avoir vu certaines filières s'effondrer comme celle sur le liège qui a profondément marqué le territoire des Maures.
Un chêne-liège magnifique n'ayant été jamais démasclé (sans récolte de liège)
Que dire de nos forêts varoises en termes de surface, d’essences et de disponibilité de la ressource ?
La forêt départementale est principalement constituée du pin d'Alep et du chêne pubescent. Nous avons la plus grande forêt de chêne-liège de France avec 55 000 hectares, une châtaigneraie, certes en souffrance, mais qui représente une filière appréciée par les consommateurs, et la forêt relique de la Sainte-Baume, très rare dans nos latitudes. Mais nos massifs sont difficiles d’accès pour une réelle exploitation.
La Villa Noailles, Forêt Modèle de Provence et les institutionnels lors de l'inauguration des Journées du liège 2025 au centre d'art d'intérêt national
Comment concilier exploitation et préservation ?
Dans tous les cas, les massifs ne rendent pas possible une production industrielle comme on peut le voir dans certains pays, et ce n'est l'objectif de personne. Donc, chez nous, exploitation et préservation ne s’opposent pas. Cela permet une valorisation de niche, comme l'arbousier, le pistachier lentisque, et la relance de filières historiques (le gemmage, la récolte du liège, la châtaigne).
En quoi la relance de la filière peut-elle contribuer à la prévention des incendies ?
Relancer l'entretien de nos forêts permet de réduire la biomasse au sol, de lutter contre les essences invasives favorisant le feu. Ainsi des peuplements de différents âges et essences réduisent la vulnérabilité avec des zones moins inflammables et plus faciles à défendre.
Des filières créatrices d’emplois ?
Oui, et même doublement. La filière forestière varoise pourrait à la fois soutenir l’économie rurale et renforcer la résilience environnementale, si elle est gérée de façon durable et adaptée au contexte méditerranéen. On croit beaucoup à la valorisation des ressources localement, notamment le bois, permettant de garder la valeur ajoutée sur notre territoire plutôt que de l’importer. En ce sens, les scieries mobiles, permettant d'aller au plus proche de la ressource, représentent un outil très intéressant que l'on soutient beaucoup, tout comme le débardage à cheval et l'investissement dans la recherche pour trouver des valorisations à haute valeur ajoutée de notre garrigue et maquis.
Le massif des Maures
À savoir:
L’association Forêt Modèle de Provence a été créée à l'initiative de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur et fait partie du Réseau Méditerranéen et International des forêts modèles, réseau créé et animé par le Canada en 1992. L’objectif est de rassembler des structures publiques, privées et associatives autour d'une vision de gestion durable des espaces forestiers au travers de projets de coopération internationale, d'organisation d'événements et d'actions au bénéfice des filières et des forêts. C’est, en quelque sorte, un laboratoire collaboratif et de concertation qui vise à mettre en place une dynamique partenariale.