« Les enfants du purgatoire » : la nouvelle enquête du journaliste Claude ARDID !


05 mars 2023

Après les affaires de grand banditisme et de corruption politique, le journaliste varois, nous plonge cette fois-ci dans les coulisses de la brigade de mineurs à Marseille et s’attaque à un dossier sensible, celui de la pédopornographie, des bébés secoués, des viols et agressions sexuelles.

Ardid-135x215-07_page-0001.jpg (419 KB)

Claude Ardid, pourquoi avoir voulu aborder un tel sujet ?

L’intention était d’entrer en immersion pendant 2 mois au cœur de la brigade des mineurs de Marseille, une brigade très féminine, (23 femmes sur 30 enquêteurs). Chaque jour, ces policiers, hors du commun, mènent une course contre la montre, pour sauver toutes ces jeunes victimes de violences. A Marseille, il y a cinq groupes, qui prennent en charge des maltraitances, des comportements incestueux, des dossiers de mœurs et des disparitions inquiétantes, ou encore de la surveillance Internet. Un travail acharné de gardes à vue, d’auditions et d’interventions sur le terrain, mené en collaboration avec des juges et des magistrats tout aussi dévoués à la cause des victimes. Pour moi, cette enquête inédite met en évidence une terrible réalité : il y a toujours plus d’enfants esquintés, de familles disloquées, de jeunes obligés de se vendre.

 

1200 dossiers par an sont traités par cette brigade des mineurs à Marseille ?

Oui, à Marseille, la violence s’est accrue dans des proportions incroyables, il y a de plus en plus d’incestes. En 2 mois et demi, j’ai suivi 4 à 5 affaires d’incestes, de bébés secoués, d’agressions sexuelles, de viols. Ce qui m’a choqué, c’est que la prostitution chez les moins de 15 ans, à Marseille, a explosé. Lors d’un précédent reportage que j’ai réalisé en 2016, on comptait entre 6000 et 8000 cas. Aujourd’hui nous sommes passés à 15.000 voire 20.000.

 

Vous évoquez aussi les conditions de travail de ces fonctionnaires.

Il y a un manque évident et cruel de moyens pour la police et la justice ! Ce sont des conditions de travail d’un autre temps, sans compter l’insalubrité des lieux ! Malheureusement, la situation s’est fortement dégradée : ascenseurs en panne, 3 toilettes pour 30 policiers, des ordinateurs souvent en panne… J’ai pu observer, par exemple, deux auditions, deux affaires différentes, avec un enfant victime et un adulte violeur, en même temps, dans une pièce de 10m2, c’est terrifiant ! Les affaires se multiplient pour les magistrats, les enquêteurs, et les moyens manquent horriblement, au détriment des victimes de notre société.

 

Peut-on sortir indemne d’une telle expérience immersive ?

A vrai dire, non. Après toutes ces journées passées avec la brigade, je faisais des cauchemars et le matin, au réveil, j’étais mortifié. Au bout de deux mois et demi d’immersion, je savais qu’il ne fallait pas passer le jour de trop, suivre l’affaire de trop… Après cette enquête, j’ai décidé de démarrer une psychothérapie pour me décharger de tout ce que j’avais entendu et vu au cours d’une bonne centaine d’auditions. A la fin du livre, j’ai même écrit un petit remerciement à ma psy ! (rires). Mais au final, je sors renforcé de cette expérience, et je réfléchis pour relater tout ça sous une autre forme : série documentaire ou fiction, je ne sais pas encore.

 Agenda de Noël (250 × 50 px) (Présentation (169)) (Publication Facebook) (875 × 584 px) (Publication Facebook (paysage)) (875 × 584 px) (Publication Facebook (paysage)) (875 × 584 px) (Publication Facebook (Pa (17).png (2.83 MB)

Vous vouez une véritable admiration pour ces enquêteurs…

Personnellement, je m’interroge : comment ces hommes et ces femmes font-ils pour tenir le coup ? C’est un mystère et je suis, en effet, plein d’admiration. Vous savez, le film “Polisse”, un drame français écrit et réalisé par Maïwenn en 2011 a été une référence pour moi. Fiction, réalité ? En tant que journaliste, je ne me fie qu’à la réalité… c’est pourquoi j’ai aussi souhaité que mon livre mette en lumière l’investissement, l’abnégation, le sens du devoir de ces fonctionnaires dont la mission relève d’une véritable vocation… Aujourd’hui ces personnes sont essentielles.

Claude ARDID est un journaliste et une signature que les lecteurs de Var-Matin n’ont pas oublié. Il y a commencé sa carrière en 1978 avant de devenir chef du service Reportages lors de la fusion entre Var-matin et Nice-matin. Grand reporter pour Charlie Hebdo, Claude Ardid a également réalisé des reportages d'investigation pour France Télévisions. Il est aussi réalisateur de documentaires et scénariste. Spécialisé dans les affaires de grand banditisme et de corruption politique, il est notamment l’auteur des “Secrets de l’affaire Yann Piat” (La Manufacture des livres) et de “Qui veut tuer la laïcité ? “ (Eyrolles).