L’arbousier, l’or rouge de la Méditerranée


31 août 2025

Au cœur du Parc naturel régional de la Sainte-Baume, territoire créé en 2017 et recouvert à 80 % de forêts, une réflexion originale a vu le jour : valoriser l’arbousier, arbre typique de la Méditerranée, au-delà de son rôle paysager. Dans le cadre de sa Charte Forestière de Territoire, le Parc a exploré, avec ses partenaires, les nombreuses potentialités de cette ressource locale, qu’elles soient alimentaires, cosmétiques ou artisanales. Stéphanie Singh, chargée de mission Forêt et Transition énergétique depuis 11 ans, revient sur cette démarche innovante.

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Photo : Stéphanie Singh, chargée de mission Forêt et Transition énergétique


Pourquoi avoir choisi l’arbousier comme fil conducteur de cette étude ?

L’arbousier est une essence présente sur plusieurs secteurs au sein du Parc et que l’on rencontre dans des espaces variés (forestiers, milieux ouverts post-incendie, sur les ouvrages de Défense des Forêts contre l’Incendie). En produisant un fruit comestible, l’arbouse, nous nous sommes dits qu’une filière de valorisation (technique à travers la réalisation de travaux sylvicoles et économique à travers la vente de produits) était possible.

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Quelles ont été les grandes étapes de l’étude menée de 2020 à 2022 avec l’association Forêt Modèle de Provence ?

Cette étude, financée via le Fonds Européen LEADER, s’est déroulée en plusieurs phases :

-            Phase 1 : Inventaire des secteurs de présence d’arbousiers ;

-            Phase 2 : Récolte et fourniture des fruits aux transformateurs volontaires ;

-            Phase 3 : Tests produits : analyses en laboratoire, valorisation du bois, réalisation de produits ;

-            Phase 4 : Réalisation de l’étude sylvicole ;

-            Phase 5 : Analyse économique de la mise en place de filière(s), élaboration des cahiers des charges et contrats types ;

-            Phase 6 : Elaboration d’un plan d’actions.

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Photo - un arbousier


Quels acteurs de la filière ont été associés à cette réflexion ?

Plusieurs acteurs se sont portés volontaires pour réaliser plusieurs tests de produits à base de fruit, feuillage, écorce, racine, bois :

       Les propriétaires forestiers (Collectivités, Etat, Départements, privés) et leurs représentants (ONF, CNPF, Fransylva) ont contribué à l’identification des zones de présence des arbousiers et accepté que le Parc puisse récolter les arbouses pour la réalisation de tests produits ;

       L’institut de Chimie de Nice et la startup NissActive ont réalisé plusieurs analyses en laboratoire pour révéler le potentiel des différentes composantes de l’arbousier (cosmétique, parfumerie, compléments alimentaires et ingrédients pharmaceutiques) ;

       3 brasseries (Carteron, de la Sainte-Baume, La Blonde et la Brune) ont développé des gammes de bières à l’arbouse ;

       1 distillerie (le comptoir de l’alchimiste) a développé une liqueur, une eau de vie et un esprit d’arbouse ;

       5 confiseurs / pâtissiers (Domaine de la Fauville, association l’Économe, Pâtisseries Lafitau, Potagérome, Domaine de la Portanière) ont réalisé des sorbets, confitures, pain d’épices à base d’arbouse

       L’école de tournage sur bois Escoulen a créé plusieurs petits objets en bois d’arbousier ;

       Charles Dutelle, ébeniste, scieur et spécialiste du placage et de la marqueterie a pu usiner des feuilles de placage d’arbousier ;

       L’association Syndicale Libre de Gestion forestière de la Suberaie Varoise a réalisé l’étude sylvicole sur la conduite de l’arbousier en milieu forestier et en plantations.

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Sur les résultats et les perspectives


Quels sont les principaux débouchés identifiés autour de l’arbousier (alimentaires, cosmétiques, artisanaux) ?

       Valorisation du fruit

o   Bière (Carteron / La Blonde et la brune / Brasserie Sainte-Baume) ;

o   Liqueur et Eau de vie (Le comptoir de l’alchimiste) ;

o   Sorbets (Lafitau, Potagérome) ;

o   Confitures (Domaine Fauville, l’Econome, Confinature) ;

o   Miel (Domaine Fauville) ;

o   Pains d’épices (Domaine Fauville) ;

o   Savon exfoliant.

       Valorisation du feuillage

o   Fleuristes pour insertion dans les bouquets

o   Tisanes

       Cosmétique

o   Crème anti-âge

       Travail du bois

o   Tournage

o   Marqueterie

o   Placage

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Photo - produits de l'arbouse 


Quels atouts particuliers possède cet arbre pour en faire une ressource locale à valoriser ?

C’est une essence produisant des fruits comestibles qui peut donc offrir aux propriétaires forestiers une nouvelle opportunité de valorisation de leur patrimoine forestier ;

       C’est une essence au feuillage persistant qui contribue au maintien de paysages variés ;

       C’est une essence bénéfique pour la biodiversité (elle fleurit en hiver offrant de la nourriture aux insectes à cette période et elle est la plante hôte de plusieurs papillons : Thècle de l’arbousier et Jason) ;

       C’est une essence qui se régénère rapidement après le passage d’un incendie (résilience) et qui contribue à limiter l’érosion des sols

       C’est une essence qui s’avèrerait être adaptée au changement climatique (résistance à la sécheresse, captation carbone allongée grâce à son feuillage persistant)


Existe-t-il déjà des initiatives concrètes ou projets pilotes qui émergent à la suite de l’étude ?

Plusieurs acteurs ont intégré dans leur gamme de production des produits à base d’arbouses (confitures, bières, fruits de table, spiritueux…)

Forts de ces résultats, le Parc souhaite aujourd’hui amorcer le lancement d’une réelle filière de valorisation de l’arbousier, à la fois en milieu forestier (réalisation de travaux sur les arbres déjà présents en forêt pour améliorer leur rendement) mais également en milieu agricole (plantations de plants produits en pépinière à partir de sujets prélevés en forêt et aux caractéristiques sélectionnées pour diversifier les productions des domaines face aux enjeux du changement climatique sur la pérennité de la vigne). C’est ainsi qu’avec Forêt Modèle et l’ASL Suberaie Varoise, le Parc travaille au montage d’un dossier de demande subvention auprès de l’Europe pour obtenir des fonds visant à mettre en place cette expérimentation ambitieuse dès 2026.

 

Sur la vision et les enjeux futurs


Quels seraient, selon vous, les freins ou les conditions nécessaires pour structurer une véritable filière économique autour de l’arbousier ?

Le principal frein rencontré réside dans la phase de récolte des fruits. L’une des particularités est que la floraison et la maturation des fruits ont lieu en même temps. Il faut donc veiller à ne pas faire tomber les fleurs lors de la récolte des fruits sous peine de n’avoir aucune fructification l’année suivante. C’est pourquoi la récolte peut être difficilement mécanisable et donc implique une récolte manuelle qui a un certain coût financier.

Un travail sur le conditionnement de la récolte serait également à conduire car une fois récoltés, les fruits se dégradent assez rapidement (3-4 jours).

Enfin, une juste rémunération du producteur au consommateur permettra de pérenniser cette filière et de générer une réelle économie locale.

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Plus largement, en quoi la valorisation de ressources locales comme l’arbousier contribue-t-elle à la transition écologique et économique du territoire ?

Cette action est née de la volonté de diversifier la valorisation des espaces forestiers sur le territoire du Parc de la Sainte-Baume en mettant en avant la multifonctionnalité des forêts à travers la valorisation des produits forestiers non ligneux (PFNL). Grâce à cette étude, le Parc souhaitait également dynamiser les filières économiques locales en proposant de nouveaux produits valorisés localement et ainsi développer une micro-filière économique.

 

À savoir : LE PARC DE LA SAINTE BAUME /

Le Parc, crée le 20 décembre 2017, rassemble 28 communes à cheval sur les départements du Var et des Bouches-du-Rhône (23 sur le Var et 5 sur les Bouches-du-Rhône).

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Stéphanie Singh, est chargée de mission Forêt/Transition énergétique depuis 11 ans au Parc naturel régional de la Sainte-Baume crée en  2017, rassemble 28 communes à cheval sur les départements du Var et des Bouches-du-Rhône (23 sur le Var et 5 sur les Bouches-du-Rhône). C’est un territoire fortement boisé avec près de 80% de sa surface occupée par des espaces forestiers.

 

Afin de dynamiser la gestion forestière au sein de ce territoire, le Parc s’est doté d’une stratégie forestière au travers d’une Charte Forestière de Territoire. Ce document, qui planifie la mise en œuvre de 19 actions sur la période 2017-2023, a été élaboré en concertation avec de multiples acteurs de la filière forêt-bois et a été signé par 23 structures en 2019. Il est actuellement en phase de révision pour la période 2025-2032.

L’une des actions du plan d’actions portait sur la diversification des débouchés forestiers et la valorisation des produits forestiers non ligneux. Etant présent sur quelques secteurs du Parc, c’est l’arbousier qui a retenu l’attention des acteurs de la filière. Ainsi, de 2020 à 2022, le Parc accompagné de l’association Forêt Modèle de Provence, a conduit une étude de potentiel afin d’identifier s’il était pertinent de développer une filière économique autour de l’arbousier. Cette étude a permis de mettre en évidence les nombreuses potentialités de réalisation de produits à la fois alimentaires (confiture, gelée, liqueur, eau de vie, sorbet, miel…), cosmétiques (crème anti-âge, savon exfoliant…) et autres (petites sculptures) à partir de l’arbousier (fruit, feuillage, écorce, fleurs, racine, bois).

Forts de ces résultats, le Parc souhaite aujourd’hui amorcer le lancement d’une réelle filière de valorisation de l’arbousier, à la fois en milieu forestier (réalisation de travaux sur les arbres déjà présents en forêt pour améliorer leur rendement) mais également en milieu agricole (plantations de plants produits en pépinière à partir de sujets prélevés en forêt et aux caractéristiques sélectionnées pour diversifier les productions des domaines face aux enjeux du changement climatique sur la pérennité de la vigne). C’est ainsi qu’avec Forêt Modèle et l’ASL Suberaie Varoise, le Parc travaille au montage d’un dossier de demande subvention auprès de l’Europe pour obtenir des fonds visant à mettre en place cette expérimentation ambitieuse dès 2026.