Chaleurs automnales, les agriculteurs varois obligés de s’adapter


30 octobre 2023

Nous l'avons tous vécu, la saison estivale a joué les prolongations jusqu’à la mi-octobre. Et cette  récurrence des chaleurs automnales affecte toute l’économie de la filière agricole. Nos producteurs sont donc contraints de s'adapter à cette nouvelle donne et doivent chercher à se réinventer Entretien avec François Drouzy, directeur-adjoint de la chambre d’agriculture du Var et Julie HARS, conseillère maraîchage.

 

Avec le changement climatique que nous observons, quelles problématiques atterrissent sur votre bureau en priorité ?

François Drouzy : Nous faisons face à des aléas climatiques de plus en plus fréquents puisque nous connaissons désormais deux à trois épisodes de calamité agricole chaque année, tels que les inondations, le gel ou encore la grêle. Mais encore et surtout, l’agriculture est impactée par le manque d’eau et doit s’adapter à cette nouvelle problématique. Dans le Var, moins d’un tiers du département a actuellement accès à l’eau du Canal de Provence. C’est pourquoi l’infrastructure va être redéployée sur une dizaine d’années afin de mieux desservir les territoires en souffrance.

Quelles sont les cultures les plus impactées ?

François Drouzy : Cela concerne toutes les cultures, mais je pense tout particulièrement aux éleveurs itinérants dont les troupeaux ont de plus en plus de mal à trouver de l’eau sur leur chemin en raison de l’assèchement des rivières et de la coupure d’eau dans les fontaines. D’une manière générale, tous les agriculteurs doivent gérer la ressource en eau de la manière la plus économe possible, qu’ils soient viticulteurs, arboriculteurs ou encore maraîchers. Cela les pousse à se tourner vers de la culture de diversification afin de recourir à des variétés plus méridionales et mieux adaptées au manque d’eau.

Quelles nouvelles cultures précisément ?

François Drouzy : Pistaches, amandes et grenades sont les trois filières principales qui se développent à l’échelle régionale et interrégionale. Mais on avance à tâtons et pour le moment on a encore du mal à évaluer l’ampleur du marché. On fait aussi des tests avec de nouvelles cultures telles que les mangues, les avocats ou encore les bananiers. Les horticulteurs se sont, quant à eux,  adaptés avec succès en recourant à des variétés telles que les pivoines, les anémones ou les renoncules. Leurs produits sont de grande qualité et répondent à la demande du consommateur local. Les viticulteurs, eux aussi, n’hésitent plus à se diversifier avec de nouveaux cépages mais aussi en se tournant vers d’autres types de productions.

Quelles sont les conséquences des chaleurs automnales sur la filière maraîchère ?

Julie HARS : Les chaleurs prolongées favorisent la présence de ravageurs qui dégradent les fruits et légumes de saison. Cela représente un enjeu important en termes de qualité et de beauté des produits. Certaines productions, telles que les tomates, se terminent prématurément et ceci malgré les contre-balancements mécaniques que peuvent mettre en place les producteurs. Les calendriers de cultures et les rotations sont à revoir entièrement !

Claude Ansaldi.jpg (2.77 MB)

Claude Ansaldi, paysan du Beau-Vezé, à Carqueiranne

“Les envies des consommateurs sont décalées”

Claude Ansaldi est maraîcher sur l’exploitation du Beau-Vezé à Carqueiranne. A 66 ans, il n’envisage toujours pas de prendre sa retraite et lance avec humour qu’il travaille à mi-temps :  « Huit heures le matin, huit heures l’après-midi ! ». Mais depuis ces dernières années, le dérèglement climatique l’oblige à s’adapter aux envies des consommateurs. Mais jusqu’à quand ?

Claude Ansaldi, comment ces chaleurs impactent-elles vos productions ? 

Cette année est, à mon sens, exceptionnelle. J’ai pressenti qu’il fallait planter plus tard et j’ai bien fait car ces chaleurs automnales ont des conséquences sur les envies des consommateurs. Les légumes d’hiver arrivent avec un mois d’avance mais les gens n’en veulent pas trop. Ils me demandent encore des melons, des pastèques ou bien des pêches.

L’été qui se poursuit, est-ce plutôt une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

Cela fait un moment qu’on n’a plus d’hiver mais le beau temps est plutôt une bonne nouvelle. Cela m’a permis de bien travailler la terre sans être embêté par la météo. Les légumes poussent bien, par exemple on a encore des courgettes magnifiques tous les jours. Mais il y a des avantages et des inconvénients. Je vois apparaître de nouvelles maladies sur les cultures, ce qui nous oblige à être plus vigilants.

20231016_160744.jpg (3.15 MB)

Karine Panchaud, biologiste du laboratoire Vegetech, à La Crau

“La chaleur développe les insectes ravageurs”

Karine Panchaud, biologiste du laboratoire Vegetech, à La Crau, est spécialisée dans l’élevage d’insectes en milieu confiné. Elle dresse le constat de décalages énormes dans les cycles de reproduction des insectes, ce qui est une donnée à laquelle les producteurs vont devoir s’adapter.

Karine Panchaud, constatez-vous une présence accrue d’insectes et de ravageurs dans les cultures ?

Cette année, nous avons connu des chaleurs précoces dès le printemps et des chaleurs automnales exceptionnelles. A la mi-octobre, la nature est encore en phase de pousse ou de floraison, ce qui signifie qu’il y a de la nourriture pour les insectes. Nous allons donc avoir un cycle d’insectes supplémentaires. Jusqu’ici nous avions deux générations par an, on va passer à trois. La pression sera donc supérieure sur les cultures.

Pour vous, la nature est-elle déboussolée ?

Du puceron à la cicadelle, ils sont quasiment tous dehors à la mi-octobre ! Nous avons par exemple encore des frelons et nous assistons à l’éclosion d’œufs de tarentes en cette période. C’est inédit ! Les pics de vols d’insectes sont désormais calés sur l’arrière-saison, à l’instar du charançon du figuier dont le cycle de reproduction est tardif et coïncide désormais avec la période des récoltes, ce qui est embêtant puisqu’on ne peut pas traiter à ce moment-là. Cela étant dit, les animaux et les insectes trouvent toujours le moyen de s’adapter au changement dans leur mode de reproduction. Reste à savoir la place de l’humain dans tout ça. La nature décale les cycles et les producteurs vont devoir adapter leurs pratiques culturales pour en tenir compte.

 20231016_160731.jpg (2.91 MB)