19 décembre 2022
Patrick Chatrieux est président régional de Mobilians (ex Conseil national des professions de l'automobile), une organisation professionnelle qui réunit les vingt métiers de l’automobile.
A quoi ressemble le marché de l’automobile ?
Le Var est moins impacté que la France. En septembre, les ventes de voitures au niveau national étaient en baisse de 15%. En PACA, on est à -12%. Pour les immatriculations, on constate une progression de 5,5% au niveau national par rapport à l’année dernière en septembre. Alors qu’on est à -10% sur les dix premiers mois de l’année. Globalement, depuis 2019, le marché automobile a reculé en France de 30%.
Comment analysez-vous cette situation ?
Les français sont très inquiets et le parc automobile vieillit parce que les clients ne trouvent pas la solution idéale pour acheter un nouveau véhicule. Tous n’ont pas forcément les moyens de s’offrir un véhicule tout électrique de 20 à 30% plus cher qu’un véhicule thermique. Et ceux qui peuvent acheter un véhicule apprennent, au moment de signer le bon de commande, des délais de livraison complètement fous selon la marque et le modèle choisis. On n’aurait jamais imaginé, il y a deux ou trois ans, devoir attendre neuf mois ou ne pas avoir de délais du tout sur certains modèles parce que les matières premières et les semi-conducteurs font défaut. On comprend mieux pourquoi le marché de l’automobile est dépressif.
Pensez-vous que les automobilistes sont prêts à changer leurs habitudes ?
Est-ce que tous les Français vont habiter un pavillon avec la possibilité d’avoir une borne de recharge rapide ? J’en doute. Ils sont plus nombreux à habiter en appartement qu’en maison individuelle. Face aux incertitudes et à la difficulté de faire un choix, des clients optent pour le véhicule hybride. Même si l’utilisation qui en sera faite n’est pas conforme au profil du conducteur car, si vous ne faites que de la route, le véhicule hybride, étant plus lourd, consommera plus. Il n’est intéressant que si vous faites essentiellement de la ville.
Que pensez-vous des aides à l’achat d’un véhicule tout électrique ?
On annonce dans quelques années des véhicules électriques plus accessibles. En attendant, c’est toujours difficile. L’état s’est engagé à faire du leasing social à 100€ par mois, mais pas avant 2024 et en fonction des revenus. Est-ce que les profils des gens concernés leur permettront de passer à l’électrique ? L’Europe a décidé qu’il n’y aurait qu’un seul moteur tout électrique pour les véhicules à partir de 2035. Entre-temps, la France a constaté sa dépendance en matière énergétique. Comme il n’y a pas de transports en commun partout en France, il sera parfois très compliqué d’aller travailler pour certains.
Vend-on toujours plus de véhicules électriques ?
Pour la première fois, en octobre dernier, les ventes de véhicules électriques ont dépassé celles du diesel. C’est un signe. Néanmoins, fin octobre, on n’était qu’à 12,8% de vente de véhicules électriques et hybrides rechargeables. Il faudrait 7 millions de bornes en Europe pour alimenter tous les véhicules électriques en 2035. On avait prévu 100000 bornes en France fin 2021, on est à 70000 seulement dont 10% ne fonctionnent pas.
Que pensez-vous de l’hydrogène pour des moteurs non polluants ?
L’hydrogène c’est merveilleux ! C’est certainement le moyen de se déplacer le moins polluant sauf que, pour faire de l’hydrogène, il faut de l’électricité. Si vous n’avez pas d’électricité verte, vous polluez de la même manière. Je pense qu’on va un peu trop vite. Si on veut vraiment développer l’hydrogène, il faut un grand plan Marshall sur vingt ans. Je crains le moment où l’on dira aux gens possédant une vieille voiture que, pour aller travailler, ils ne pourront plus entrer dans une ZFE (Zone à Faibles Emissions) comme Toulon par exemple, où les véhicules Crit'Air 5, 4 et 3 seront soumis à des restrictions de circulation. On ne vit pas une mutation, on vit une révolution dont on ne mesure pas encore les conséquences économiques et sociales.



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