02 septembre 2024
Préservation des posidonies, lutte contre l’érosion sont des préoccupations quotidiennes pour les communes du littoral qui font face à des injonctions contradictoires de la part de l’Etat.
Gil Bernardi, maire du Lavandou à droite, aux cotés de Gilles Boidevezi, préfet maritime à sa gauche - credit photo ville du lavandou
A l’occasion de l’assemblée générale des délégués du Syndicat des communes du littoral varois (SLCV) qui s’est déroulée récemment au Lavandou, les mots “urgence” et “cohérence” étaient dans toutes les bouches. L’urgence, c’est Gil Bernardi, le maire lavandourain, qui en a fait la démonstration avec une photo d’un plaisancier relevant son ancre recouverte de posidonies qu’il vient d’arracher. Preuve s’il en fallait de “la nécessité de protéger la diversité marine et littorale” explique le maire, par ailleurs président de la SLCV, qui ne doute pas “de la volonté et de l’énergie déployées par les élus pour préserver notre Méditerranée et nos plages qui constituent un outil économique indéniable”. Mais encore faut-il faire preuve d’organisation et surtout de cohérence pour que la lutte soit efficace. Et là, tous les regards se tournent vers l’Etat, garant du Document stratégique de façade Méditerranée, qui définit une vision opposable du milieu marin d’ici à 2030. Interrogé, le préfet maritime Gilles Boidevezi (1) répond que l’objectif de l’Etat est “bien évidemment de soutenir toutes les communes” mais il concède “qu’il existe parfois des injonctions contradictoires” qui ne facilitent guère le travail des élus.
Des communes face à l’Etat
Pour Gil Bernardi, cette problématique est particulièrement sensible lorsqu’il s’agit de lutter contre l’érosion et la gestion du trait de côte. Exemple à l’appui avec la plage de Cavalière. "Elle subit un phénomène érosif violent et inattendu, explique-t-il. Faut-il constituer un récif sous-marin ou laisser détruire deux hôtels ? Le choix semble vite fait et nous pouvons peut-être freiner le phénomène, mais la ZAN (zéro artificialisation nette dans le cadre de la loi Climat et résilience, Ndlr) se pose ici de façon aiguë." Ce réel besoin de clarification interpelle le préfet maritime lequel, depuis son arrivée en 2022 dans le Var, ne cesse de faire remonter ces informations à Christophe Béchu et Hervé Berville, respectivement ministre de la Transition écologique et secrétaire d’État chargé de la mer. Mais Gilles Boidevezi concède : "Je suis toujours mal à l’aise [...], lorsque nous ne sommes pas capables de donner des réponses claires. Si des ouvrages peuvent permettre une meilleure gestion du trait de côte, ils ne rentrent pas dans le mode de calcul des surfaces artificialisées."
Autrement dit, la réglementation reste encore aujourd’hui en totale contradiction avec les mesures que pourraient prendre les élus pour préserver leurs plages. Cette pierre d'achoppement entre les communes littorales et l’Etat persiste, et les associations protectrices de l’environnement ont pris leur place dans le débat, exacerbant du coup les discussions.
Les associations pointées du doigt
C’est le cas par exemple pour les ZMEL, ces zones de mouillage à équipements légers dans lesquelles des bouées d’amarrage sont installées, et pour les zones de protection forte. C’est un sujet sur lequel le préfet maritime constate "un mouvement d’opposition qui ne va pas dans le sens de la conciliation" Installés en partie autour de l’île de Porquerolles, ces équipements ont déjà fait l’objet d’une pétition lancée par une partie des îliens. Elle a recueilli quelque 4000 signatures et dénonce notamment la non-gratuité du dispositif, la nuit. Autre exemple à Hyères où la création d’une digue sous-marine pour protéger la plage de l’Almanarre et le double tombolo de Giens fait face à l’opposition des défenseurs de l’environnement. “Face à une société de plus en plus judiciarisée, explique Laurent Boulet, Directeur départemental des territoires et de la mer, il faut être attentif aux processus. Parfois nous pouvons sembler un peu pénibles, mais c’est pour vous protéger !". Cette déclaration lancée à l’attention des élus ne fait guère l’unanimité. Elle déclenche même de la colère de la part de Gil Bernardi qui évoque la “capacité de nuisance” de ces associations qu’il qualifie même de "cailloux dans la chaussure" ! "On a trop tardé!", lâche-t-il. On fait ça pourquoi ? Pour nos rivages ! C’est nous, les élus, qui en sommes responsables, alors il ne faut pas lâcher prise !"
Mais la patience et la ténacité ont leurs limites. Les effets du changement climatique n’attendront pas un consensus global et sur les 15 communes qui adhèrent au décret sur le recul du trait de côte, le maire du Lavandou prévient : “Certaines risquent d’en partir. Quant à celles qui n’ont pas encore adhéré, elles ne le feront pas.”
Depuis le 1er septembre, Gilles Boidevezi est remplacé par le vice-amiral d’escadre Christophe Lucas au poste de préfet maritime de la Méditerranée.