
06 octobre 2025
Activité séculaire intimement liée à l’histoire maritime du territoire, la conchyliculture occupe une place singulière dans l’économie et l’identité du Var. Dans la baie de Tamaris à la Seyne-sur-Mer, les producteurs perpétuent un savoir-faire reconnu, tout en affrontant les défis environnementaux, économiques et humains qui marquent la filière. À travers ce dossier, Var Infos donne la parole aux acteurs de terrain et aux institutions qui accompagnent cette activité. Tour d’horizon pour comprendre comment la conchyliculture varoise conjugue héritage et innovation afin d’assurer sa pérennité.
©varinfos
8 exploitants, 600 à 700 tonnes de moules et 150 tonnes d'huîtres par an
À la tête du syndicat des conchyliculteurs de Tamaris créé en 2019 et qui rassemble huit producteurs, Martial Hourdequin, arrivé dans la célèbre baie en 2014, défend une activité emblématique du littoral varois. Entre traditions, contraintes environnementales et enjeux économiques, il évoque le rôle du syndicat, les défis du quotidien et les perspectives pour l’avenir de la filière.
Martial Hourdequin - syndicat des conchyliculteurs de Tamaris
Martial Hourdequin, à quoi sert ce groupement de producteurs ?
L’objectif est de réfléchir ensemble pour parvenir à parler d'une seule voix avec l'administration, lors de réunions départementales, régionales, voire même nationales en représentant le seul site conchylicole dans le Var.
Les huîtres et les moules produites ont-elles une spécificité ?
Sur le plan gustatif et organoleptique, car nous sommes installés sur une aire ouverte. C'est un avantage précieux avec une digue qui nous protège des coups de mer. La baie de Tamaris bénéficie d'un échange constant avec la mer, ce qui nous assure un renouvellement régulier et une belle oxygénation de l’eau avec un apport tellurique des rivières souterraines. Elles nous apportent l'eau douce nécessaire au développement phytoplanctonique à la base de la nourriture des coquillages.
La filière rencontre-t-elle aujourd’hui des difficultés de recrutement ?
Oui, mais nous sommes sur un métier passion, c'est pour ça qu'on accueille les scolaires, qu’on propose des stages de découverte dans l'espoir de déclencher des vocations pour assurer la transmission. Le syndicat y travaille, en étroite collaboration avec France Travail et les différents organismes de formation. Nous essayons de développer notre visibilité pour séduire les jeunes. C’est un travail au grand air, avec la nature, écologique avec de fortes valeurs de développement durable.
Quels sont vos projets de développement ?
Pour ma part, je travaille beaucoup sur la vente directe aux particuliers sur les marchés. Certains collègues collaborent avec les AMAP. Vente directe, circuits courts… c’est une façon d’être en contact direct avec le consommateur et de lui parler de notre métier. On essaye aussi de préserver les centrales d’achat pour éviter une pression économique trop forte. Notre souhait serait de voir la réglementation évoluer pour nous permettre de travailler toute l'année.
Gilles Vincent - Signature Contrat de Baie ©Pastor TPM
“Le contrat de baie est essentiel pour pérenniser l’activité”
Depuis 1995, Gilles Vincent pilote le Contrat de Baie, un projet emblématique qui a façonné la conchyliculture varoise. De la rade de Toulon aux Îles d’Or, il raconte comment ce dispositif unique allie protection de l’environnement et soutien économique, tout en mobilisant les acteurs locaux pour construire ensemble l’avenir du territoire.
Gilles Vincent, comment est né le contrat de baie ?
Le Contrat de Baie est né à Saint-Mandrier en 1995, à l’initiative de scientifiques et d’acteurs locaux afin de réfléchir à la qualité de l’eau dans la rade de Toulon. Après cette première étape, j’ai convaincu progressivement les villes de Toulon, La Seyne et Ollioules de rejoindre le projet. Trois contrats successifs ont ainsi été mis en place pour la rade de Toulon. Il y a trois ans, ce contrat a été étendu aux îles d’or à Hyères. Au total, ce sont aujourd’hui près de 150 acteurs qui participent activement à la gouvernance de ce plus grand contrat de baie, garantissant une approche collective et durable de la gestion des milieux aquatiques.
En quoi le contrat de baie est-il important pour la conchyliculture ?
Le Contrat de Baie agit avant tout sur la préservation environnementale avec des analyses régulières qui garantissent la bonne qualité de l’eau et donc la pérennité de la conchyliculture. C’est un point essentiel, car sans une eau de qualité, il n’y a pas d’avenir pour l’élevage des moules ou des huîtres. Ce n’est pas la même chose pour l’aquaculture, mais nous avons toutefois mené une étude pour déterminer le seuil maximal de poissons pouvant y être élevés afin de ne pas entraîner un déficit d’oxygénation de l’eau.
Et sur le plan économique ?
Sur le volet économique, le développement des activités relève de la compétence de la Métropole TPM. Dans ce cadre, elle a déjà soutenu les mytiliculteurs et les aquaculteurs, avec notamment la mise en place d’équipements adaptés.
Gilles Vincent et les élus varois - Signature Contrat de Baie ©Pastor TPM
Qui décide de l’installation ou non d’un nouveau producteur ?
La gestion relève de l’État via la Direction des Territoires et de la Mer. Je siège à cette commission qui attribue les concessions lorsque certains professionnels cessent leur activité, souvent au moment de la retraite. Cela permet à de jeunes candidats de s’installer. Jusqu’à présent, les dossiers présentés ont reçu des avis favorables, ce qui est encourageant pour le renouvellement de la filière.
Jean - Christophe Giol-@MarieTabacchi
Le Contrat de Baie, pilier historique de la conchyliculture varoise
La conchyliculture est l’un des emblèmes de la rade de Toulon et de la baie de Tamaris. Si les huîtres et moules varoises jouissent aujourd’hui d’une réputation solide, c’est en grande partie grâce au Contrat de Baie, acteur historique qui accompagne depuis près de 30 ans la filière dans son développement et sa préservation.
Créé dans les années 1990, le Contrat de Baie présidé par Gilles Vincent, est né d’une volonté forte : améliorer durablement la qualité des eaux littorales afin de garantir des conditions favorables à la production de coquillages. Dès ses débuts, il a réuni collectivités, institutions, scientifiques et conchyliculteurs autour d’objectifs partagés.
Au fil des années, plusieurs actions phares ont marqué son histoire : suivi scientifique renforcé des zones de production, travaux de dépollution des bassins versants, campagnes de sensibilisation et accompagnement direct des professionnels. Cette démarche collective a permis non seulement de protéger l’environnement marin, mais aussi d’assurer la pérennité d’un savoir-faire artisanal et familial.
Aujourd’hui, le Contrat de Baie reste plus que jamais un levier stratégique pour l’avenir : il œuvre à concilier performance économique, attractivité du territoire et protection des écosystèmes. Véritable trait d’union entre la mer, les hommes et les institutions, il demeure l’un des garants de la vitalité de la conchyliculture varoise.