La châtaigne du Var, derrière son succès, un avenir incertain !

Au cœur du Var, la châtaigne protège et fait vivre nos territoires

Après la traditionnelle fête de la châtaigne le mois dernier à Collobrières, gros plan sur la filière castanéicole varoise. Cette production, qui offre un complément de revenus, subit de plein fouet les aléas climatiques et les prédateurs naturels, au point que tous les producteurs s’interrogent sur leur avenir.    

 

Raphaël Louat - pdt du syndicat des producteurs de châtaignes du Var (SPCV) 

Créé en 2003, le syndicat des producteurs de châtaignes du Var (SPCV) présidé par Raphaël Louat, œuvre depuis plus de vingt ans à la préservation et à la relance des châtaigneraies varoises, véritables pare-feux naturels. 

Raphaël Louat, que représente la castanéiculture dans le Var ? 

La châtaigne est une petite filière qui dépend grandement des conditions climatiques. Après une dizaine d’années très difficiles avec une pluviométrie très en dessous des moyennes habituelles, les châtaigniers qui nécessitent 800 mm d’eau par an, ont vu leur production diminuer de 80% parfois ! Résultat : de nombreuses parcelles ont été abandonnées. Aujourd’hui on estime que 250 à 300 hectares de châtaigneraies sont entretenues dans tout le massif des Maures, alors qu'il y a deux siècles, elles s’étendaient sur plus de 3000 ha ! Sur ces cinq dernières années, la quantité récoltée sur le massif doit osciller entre 100 et 500 tonnes par an.

 

La sécheresse est-elle la seule menace ?

Nos principales difficultés sont, bien évidemment, le manque de pluies mais également les sangliers très friands de châtaignes en automne. Non seulement ils propagent des champignons néfastes mais retournent régulièrement les terrains en faisant d’énormes trous qui cassent parfois les racines des arbres.

Comment se déroule une saison de production, de la floraison à la récolte ?

Le travail du castanéiculteur se déroule tout au long de l’année, chaque saison ayant son activité. L’hiver est dédié à la taille et à la sélection des rejets pour les futures greffes. Au printemps, le greffage et le ratissage des feuilles est nécessaire pour faciliter la future récolte. Autrefois ces feuilles étaient brûlées sur place alors qu’aujourd’hui nous recommandons vivement de les incorporer dans des fascines afin qu’elles se décomposent en nourrissant les arbres. La floraison a lieu en juin et au cours de l’été. Là, nous commençons à préparer la récolte en supprimant les nombreux gourmands qui poussent aux pieds des arbres et nous surveillons avec attention nos greffes du printemps, sans oublier d’arroser nos jeunes plantations. En août commence la saison du débroussaillage sous les arbres et en octobre, place à la récolte, forcément aléatoire en fonction des pluies tombées durant l’année. 

 

Quelles sont les variétés de châtaignes produites dans le Var ?

Nous avons une variété, principalement cultivée, c’est la Marrouge et également l’Impériale dont les fruits sont beaucoup plus gros mais moins sucrés. C’est la variété Marrouge qui est utilisée pour ses qualités organoleptiques et qui est à l’origine de la fabrication du célèbre marron glacé de Collobrières !

 

 

Élisabeth Boulesteix ©varinfos 

Élisabeth Boulesteix est castanéicultrice à Collobrières, propriétaire de vingt hectares de châtaigniers, elle est également conseillère municipale, chargée du patrimoine et de l’embellissement du village. Elle est particulièrement sensible à la fragilité des châtaigneraies.

 

La filière se développe-t-elle encore dans le Var ?

Le développement reste difficile. Nos châtaigniers sont vieillissants, fragilisés par les maladies et par les effets du climat. Aujourd’hui, l’enjeu n’est pas tant d’étendre les surfaces que de préserver ce patrimoine et d’assurer sa pérennité. Pour relancer la filière, il faudrait planter, replanter, et accompagner cette régénération. 

 

Quels sont les principales menaces sanitaires ?

Les maladies classiques demeurent l’encre et le chancre. Mais le plus grand fléau de ces dernières années, c’est le cynips, une minuscule mouche apparue dans le massif des Maures en 2012. Elle s’attaque aux fruits avant la récolte, les rendant totalement impropres à la consommation. À l’époque, certaines récoltes ont été entièrement perdues. Le salut est venu de la nature elle-même ! Une autre petite mouche, le torymus, que j’appelle la « mouche gentille », est venue réguler naturellement le cynips, la « mouche méchante ». Ce prédateur naturel a permis d’éliminer progressivement le parasite. Il a fallu sept années pour rétablir un équilibre biologique dans nos forêts. 

 

Comment s’effectue la surveillance sanitaire ?

La vigilance est constante. Nous passons dans les parcelles pour observer les troncs, les branches, les feuilles. C’est un travail d’observation et de terrain mais incontestablement, le dérèglement climatique et la sécheresse affectent fortement nos forêts. Ce sont deux phénomènes différents, mais leurs effets conjugués sont dévastateurs. Aujourd’hui, il n’existe pas de solution miracle. L’irrigation pourrait aider, mais arroser une forêt coûte une fortune. Pour nous, castanéiculteurs, c’est tout simplement impossible à grande échelle. 

 

Certains évoquent un manque d’entretien des châtaigneraies…

C’est probablement vrai. Entre le manque de moyens, le temps que cela demande et le fait que beaucoup de producteurs ont un autre métier à côté, l’entretien régulier est difficile à assurer. Et pourtant, il est essentiel d’entretenir pour protéger les arbres et éviter leur dépérissement. 

Châtaigne grillée, bouillie… et quoi d’autre ?

Varois d’origine, Pascal Barandoni est un chef talentueux, reconnu pour son respect du terroir, sa créativité et sa capacité à sublimer les produits régionaux : herbes sauvages, produits de la mer ou de montagne, et bien sûr la châtaigne pour sublimer vos plats. Dans sa verrine automnale, il marie subtilement la châtaigne confite, l’échalote et le beurre noisette, en fond d’un velouté de courge à l’œuf parfait. Une alliance tout en douceur, où la châtaigne révèle son caractère gourmand.

 

Pascal Barandoni ©varinfos

“On peut la cuisiner de multiples façons. En velouté par exemple, mais il faut penser à ajouter un peu plus de bouillon ou de crème car la châtaigne est un produit assez sec qui absorbe beaucoup. Pour obtenir une texture délicate et fluide, il ne faut pas hésiter à bien lier le tout. Je recommande aussi d’incorporer quelques châtaignes à des pommes de terre rissolées pour leur apporter une touche onctueuse et légèrement sucrée. Et si l’on développe ce côté sucré, la châtaigne peut se transformer en mousse, crème, glace et s’incorporer dans des gâteaux. C’est un produit qu’on peut glisser un peu partout, aussi bien dans un plat que dans un dessert mais c'est un produit fastidieux à transformer, notamment pour la pâte de châtaigne."

Pascal Barandoni ©varinfos

"J’ai eu la chance de visiter plusieurs fabriques à Collobrières. On y rencontre des artisans passionnés, qui perpétuent un vrai savoir-faire. En résumé, le travail de la châtaigne nécessite du temps, de la patience et de la passion, bien sûr !”