Les espèces marines se rapprochent-elles de nos côtes ?

Raies, dauphins juvéniles, requins bleus... ces espèces sont de plus en plus observées aux abords de nos plages varoises. Sont-elles en train de se rapprocher de nos côtes ? Nous avons sollicité l'avis de Jérôme Lombard. Il est membre du Réseau National Echouages (RNE) et souvent appelé pour donner son expertise en cas de présences insolites sur notre littoral.

 

Photo : Jérôme Lombard. Il est membre du Réseau National Echouages (RNE)

Jérôme Lombard, les mammifères marins sont-ils en train de se rapprocher de nos côtes ?

Les mammifères marins ont toujours été présents sur le littoral méditerranéen français. Le fait que le public les (re)découvre est, selon moi, lié à plusieurs facteurs. Le premier correspond à la communication scientifique sur des travaux menés par les laboratoires de recherches et les gestionnaires d’aires marines protégées. Le second correspond à la communication plus grand public, réalisée au travers des documentaires animaliers et par des médias qui traitent de sujets en lien avec la nature et l’environnement. Le troisième est, quant à lui, lié à l’activité touristique, car l’observation des mammifères marins est devenue un business économique à travers le monde. Ces trois modes de communication sont ensuite relayés et amplifiés par la puissances des réseaux sociaux numériques et par des créateurs de contenus.

 

Comment faut-il faire réagir si on voit un requin ou une baleine près du littoral ?

Ce type d’observation peut arriver et sera un véritable privilège pour vous. Profitez-en ! Je vous encouragerai simplement à respecter le code de bonne conduite des usagers du milieu marin (si vous êtes plaisancier) ou à simplement en profiter depuis le littoral, si vous avez la chance que cela vous arrive depuis la côte. Compte tenu de l’engouement que peut provoquer une telle observation chez les amoureux de la mer, je conseillerai de ne pas partager l’observation en direct sur les réseaux sociaux, ni sa position géographique précise, afin d’éviter que des centaines, voir des milliers de personnes cherchent à observer le même animal au même moment. Cela pourrait avoir des conséquences très négatives pour lui et dangereux pour les observateurs si l’animal venait à être trop fortement dérangé, car il ne faut jamais oublier que ce sont des animaux sauvages.

 

Raie Mobula également connue sous le nom de _Diable de mer méditerranéen

Les approches peuvent être maladroites et générer des dérangements multiples notamment lors d'une phase de repos, sur une recherche de nourriture, sur la période de reproduction et d’élevage des juvéniles... Il y a aussi les risques de collision lorsque l'on observe depuis un bateau et la pollution sonore de proximité qui empêche ces animaux sociaux de communiquer correctement entre eux ! Il y a aussi des enjeux d’ordre sanitaire avec des risques d’attaques et de transmissions réciproques de maladies et de parasites.

 

Des règles existent-elles ?

Oui et elles concernent aussi bien les plaisanciers que les professionnels de l’observation commerciale des animaux. Il est interdit d’approcher les animaux à moins de 100 mètres et, par voix de conséquence, la nage avec les mammifères marins est prohibée. Cette réglementation n’a pas été mise en œuvre pour ennuyer les amoureux du milieu marin, mais la monté en puissance des connaissances scientifiques ont permis de prendre conscience de certains enjeux. Il faut savoir que la visibilité sous l’eau est limitée à quelques dizaines de mètres et que vous pouvez faire face à des animaux pouvant mesurer jusqu’à 20 mètres de longueur et pesant plusieurs dizaines de tonnes selon les espèces. Vous n’aurez donc pas le temps nécessaire dans l’eau pour réagir face à des animaux véloces qui peuvent accélérer ou changer de trajectoire. Dans ce contexte, il est intéressant d’indiquer que si des personnes souhaitent observer la faune du large, il faut le faire avec des professionnels, dans le respect de la réglementation, des recommandations scientifiques et des animaux. Sachons retenir le pas de trop pour préserver nos chances d’observations pour les décennies à venir et continuer à nous émerveiller en les voyant évoluer dans leur milieu naturel.

Le RNE, Réseau National Échouages, est présent depuis plus de 50 ans. Il est composé de plus d’une centaine d’organismes et d’environ 500 correspondants autorisés par l'Etat à intervenir sur les espèces de mammifères marins protégées en France. Leur intervention, pour examens, prélèvements et transports, est bénévole et en relation avec le coordinateur scientifique du réseau national. Chaque année le RNE publie un rapport des suivis des échouages, afin de mieux comprendre ces phénomènes et mieux connaître les espèces concernées.